La Forêt de Lombas

Tout près du petit village de Marna se trouvait une grande forêt, une forêt secrète, une forêt mystérieuse, un forêt belle et lumineuse avec de nombreux ruisseaux qui la traversent, de petites collines parfois... La rivière Tikopia faisait comme un barrage entre ses étendues boisées et le reste du paysage essentiellement constitué de plaines et des champs à perte de vue. La forêt était vraiment grande, et ses arbres hauts. Les quelques chasseurs qui s'y aventuraient n'osaient pas trop s'y enfoncer de peur de s'y perdre. Parfois, quelques aventuriers s'y risquaient et s'y perdaient ou revenaient au bout de plusieurs mois, épuisés, en racontant avoir vu des choses fantastiques. Cette forêt avait donc été appelé forêt de Lomba, soit la "forêt du Secret", et c'étaient le terrain des mystérieux Rôdeurs...

Elena observa le corps de Loup. Il était tendu.
L'animal pencha les oreilles vers l'avant. Sa truffe noire s'agita. Elena suivit son regard. Elle ne voyait rien derrière le rideau de noisetiers et d'épilobes. Mais elle se doutait que sa proie était par-là. Parce que Loup le disait. Parce qu'elle le sentait. Parce qu'elle faisait confiance à Loup.

L'animal se tourna vers Elena. Ses yeux gris effleurèrent la jeune fille, puis revinrent vers la forêt.

Silencieusement, Elena arracha un brin d'herbe et l'écrasa avec l'ongle de son pouce, laissant les fines graines s'envoler dans la brise. Bien. Ils étaient sous le vent. Leur proie ne repérerait pas leur odeur.

Sans un bruit, elle prit une flèche dans son carquois et l'encocha. C'était un chevreuil mâle. Si Elena réussissait à l'abattre, ils auraient de quoi ramener à manger à Selena ce soir. La mère adoptive de la jeune fille en avait besoin. Le gibier était plus rare qu'il n'aurait du l'être à cette époque de l'année et son mari était de nouveau parti pour une longue traque.

Le loup baissa la tête.
Elena s'accroupit.
Ensemble, ils avancèrent en rampant.

Ils avaient traqué ce chevreuil toute la journée.
Toute la journée, Elena avait suivi ses traces. Les branchages arrachés. Les empreintes sur le sol.

Toute la journée, la jeune fille s'était mise à la place de l'animal pour imaginer ce qu'il ressentait, et ce qu'il ferait l'instant d'après.

"Pour traquer une proie, il faut d'abord apprendre à la connaître comme son propre frère. Découvrir ce qu'elle mange et comment. Trouver où elle dort, comment elle bouge."

Baran avait bien enseigné la chasse à Elena. Mais celle-ci s'était perfectionnée avec les loups, et avec Loup. La jeune fille savait traquer son gibier. Elle savait qu'il fallait s'arrêter souvent pour l'écouter, afin d'ouvrir ses sens à ce que la forêt essayait de dire…

En ce moment précis, elle savait que le chevreuil fatiguait. Plus tôt, ce jour-là, les empreintes de ses petits sabots étaient profondes et tournées vers le dehors. Ce qui signifiait que l'animal galopait. A présent les empreintes étaient superficielles et plus rapprochées. Le chevreuil avait ralenti.
Il devait avoir faim, car il n'avait pas eu le temps de brouter. Et soif aussi : il était resté à l'abri des fourrés épais, où l'on ne trouve pas de point d'eau.

Elena chercha des signes annonciateurs d'une rivière. A l'ouest, derrière un noisetier, à une trentaine de pas du sentier, elle aperçut un bosquet d'aulnes, ces arbres qui ne poussent qu'à proximité de l'eau. C'est sûrement là que s'était réfugié le chevreuil.
La jeune fille et le loup s'avancèrent à couvert. Elena entendit un léger glougloutement.
Soudain, Loup s'immobilisa, les oreilles en avant, une patte levée.

- Oui

Là. Derrière les aulnes. Le chevreuil s'était arrêté pour boire.
Elena visa avec précaution. Elle avait fait ce geste tant de fois. Il lui paraissait naturel, quasi instinctif. Elle savait qu'elle ne raterait pas sa proie.

Le chevreuil leva la tête. De l'eau gouttait de son museau.
Elena l'observa humer l'air et gonfler la pâle fourrure qui couvrait sa croupe. Il allait s'enfuir. La jeune fille lâcha son trait.
La flèche fila se planter dans les côtes du chevreuil, juste derrière l'encolure. L'animal eut un frisson plein de grâce, fléchit les genoux et s'effondra sur le sol.

Elena sortit lentement des fourrés, Loup sur ses talons. Il aurait voulu jaillir des fourrés et se jeter sur leur victime à l'instant où celle-ci avait touché le sol, cependant il s'était contenu. Il respectait sa chef de meute.

Elena atteignit le chevreuil. L'animal respirait encore, mais la fin était proche.
Elle s'agenouilla près de lui. Elle étendit la main vers l'animal pour flatter sa joue rugueuse et couverte de sueur. Le chevreuil ne bougea pas au contact de sa paume.

- Tu t'es bien comporté, lui dit Elena d'une voix douce. Tu as été vaillant et intelligent. Tu n'as jamais renoncé, toute la journée. Je jure de te traiter respectueusement. Tu peux partir en paix.

Elle regarda l'ombre de la mort envahir les grands yeux noirs. Elle se sentait reconnaissante envers la bête.
Elena se tourna vers Loup. Il pencha la tête, fronça le nez et découvrit ses dents pour décocher un sourire de loup à sa compagne :

- Bravo… et merci.

Loup bondit sur Elena. Il la renversa presque. La jeune fille éclata d'un rire cristallin, et enfouit son visage dans la chaude fourrure.

Soudain, ils entendirent un bruissement dans les hautes fougères …

Sanada marchait depuis plusieurs jours déjà en direction du Royaume d'Emeraude. Il n'avait fait que de brèves haltes histoire de dormir un peu avec sa dragonne. Elle volait non loin de lui mais, ne préférant pas vraiment attirer l'attention vers lui, ils avaient décidés d'un commun accord qu'ils ne se montreraient de préférence pas ensemble avant d'arriver dans la cour du Roi.
Il devait lui demander de consulter l'un de ses magiciens, voir le plus puissant si possible. Il pensait qu'il serait bien reçu.
Il marcha encore un peu puis fit une pause. Sa dragonne vint se poser près de lui, au risque de se faire repérer.

**J'ai repéré du gibier non loin, ça pourrait nous servir de repas pour ce soir.**

Sanada acquiesça. Il n'avait pas mangé depuis la veille et sa faim commençait à se faire sentir. Il avait hâte de rencontrer ce magicien. Peut-être pourrait-il lui enseigner de nouvelles choses, après quoi, une fois qu'il lui aurait appris de nouvelles choses, il partirait comme si il n'avait jamais existé.
Il but un peu dans sa gourde, puis repartit, sa dragonne volant a haute altitude.
Même loin, il put entendre le bruit, le bruit net d'une flèche.
Par réflexe, il empoigna son épée. Mais ce n'était pas lui qu'on visait. Il remit son épée à sa place et continua à marcher vers le bruit qu'il avait entendu, courant légèrement accroupi pour ne pas faire de bruit.
Il arriva près d'une rivière. Un ruisseau tout du moins, qui devait faire quelques pas d'épaisseur.
Il le suivit un peu, sentant sa proie non loin.
Il s'approchait. Il arriva tout près, et se tapit dans un fourré pour ne pas se faire voir par une jeune fille et son loup. Trop tard, elle l'avait au moins entendu.
Au pire, il pouvait les éliminer. Il remarqua en se levant son gibier percé d'une flèche.

Bien visé, pensa-t-il.

Il resta ainsi à fixer la jeune fille pendant quelques instants, ne sachant que dire.

Les facultés du jeune Chevalier d'Emeraude lui furent très utiles. Elle ressentit très vite la menace que représentait cet homme et mesura l'aura de puissance qui l'entourait et le lien mystérieux qui semblait l'attacher à un autre être.

Ce n'est pas un vifier, se dit-elle. C'est sans nul doute un chevaucheur de dragons. Peut-être est-ce de même un membre de l'Ordre des Dragonniers de l'Ombre et donc un serviteur de l'Empire. Je dois me montrer prudente, car lui est son dragon représentent une force plus puissante que le plus puissant des Chevaliers d'Emeraude.

La jeune fille n'avait pas emporté son épée car celle-ci l'aurait gêné dans sa traque. Elle préférait un équipement léger qui lui assurait une plus grande rapidité. Encochant avec une incroyable vivacité une autre flèche, elle tendit la corde de son arc et sentit l'empêne contre sa joue. Si l'inconnu bougeait et se montrait agressif, il n'avait pas la moindre chance de lui échapper, à moins d'utiliser sa magie ou de montrer une adresse hors du commun.
Elena calma sa respiration jusqu'à la rendre imperceptible, même pour une oreille fine. A ses côtés, Loup s'était aplatit sur le sol, tous ses sens de prédateur aux aguets.

-Qui êtes-vous ?! Montrez-vous !

Son ton était impérieux, froid et calme. Nulle peur ou angoisse n'y perçait.

Sanada entendit la flèche que bandait la jeune fille. Elle était si naïve.... Il pouvait très bien utiliser sa magie pour neutraliser sa flèche.
Mais il n'était pas venu ici tuer. Il sortit des buissons où il s'était caché, révélant sa face pâle et ses cheveux bruns tombant dans son dos. Sa dragonne était tout près, se cachant, prête à attaquer. Et Xar l'était également. Sanada luttait pour lui éviter de prendre le contrôle et de tuer cette jeune fille.

-Je suis navré si je vous ai effrayé. Ma D.... J'avais repéré ce gibier mais vous avez été plus rapide que moi.

Sanada posa son épée à terre en signe de paix. Mais garda sa dague non loin, cachée dans sa veste, au cas où la jeune fille se montrerait hostile. Sa peau lui faisait mal au soleil, et ses yeux encore plus. Ses yeux étrangement violets.
La voix résonna à l'intérieur de sa tête. La voix froide et cruelle.

Tue-la ! Tue-la ! Tue-la...

Sanada dut se retenir pour ne pas lui répondre. Il savait sa dragonne proche. Il n'avait pas besoin de Xar.

Malgré les paroles du dragonnier, Elena ne se sentait pas en confiance pour autant. Les sourcils froncés, elle baissa lentement son arc jusqu'à ce que la flèche pointe vers le sol. Elle repassa dans sa tête tout ce qu'elle avait appris du combat entre magiciens auprès du Magicien d'Emeraude et au cours des batailles qu'elle avait faite aux côtés de son maître. S'il attaquait, elle savait qu'elle ne serait pas sans défense. Car une flèche ou une dague auraient été bien incapables de l'arrêter, et elle le savait.

-Vous êtes sur le territoire du Royaume d'Emeraude. Veuillez décliner votre identité et le motif de votre venue ici je vous prie.

Elena savait qu'il devrait sans nulle doute s'étonner de voir une jeune fille chasser, d'autant plus avec un loup, et surtout qu'elle ose lui parler sur un tel ton, un ton qui n'autorisait pas la contestation. Pourtant, c'était son devoir de Chevalier d'Emeraude et elle sentait que cet homme pourrait être une menace pour son pays.
Elle le regarda avec plus d'attention et se surprit à le trouver beau. Il était très grand et devait avoir à peu près le taille du chef de l'Ordre, son ancien maître. Il semblait également tout taillé en finesse, et sa peau très pâle contrastait avec ses longs cheveux noirs. Son regard et dans ses yeux violets avait quelque chose d'hypnotisant et elle ressentit en lui l'envie de pouvoir et soumission à ses volontés. Il était dangereux, sans nul doute, et elle savait que même son aspect juvénile cachait de lourdes vérités.
Qui était-il ? D'où venait-il ? Comment cela se faisait-il qu'il n'appartenait pas aux rangs de l'Ordre des Dragonniers ?

Sanada fut un peu rassuré de ne plus avoir de flèche pointée sur lui. Il savait que ce ne serait pas un problème, mais il n'avait pas envie de se battre.
Il fut surpris quand elle lui parla d'un ton autoritaire. Comment osait-elle lui parler ainsi alors qu'il était bien plus fort qu'elle ? Malgré tout, il répondit à ses questions en toute tranquillité

-Doucement jeune fille, je ne suis pas ici pour me battre... Je m'appelle Sanada, je suis venu parler au roi Emeraude Ier. Je suis venu en paix. Je ne veux de mal à personne.

Le Dragonnier sentit sa dragonne qui lui parlait dans son esprit.

**Tu veux que je nous débarrasse de cette gêneuse? Ça ira vite...**

Sanada pensa à l'intention de sa Dragonne en réponse.

*Non, je n'ai pas envie de me battre, pas aujourd'hui.**

Leur conversation s'arrêta là. Sanada voulait que cette fille le conduise au roi Emeraude Ier, ainsi, il irait plus vite.

Elena hésita à peine pas une seconde dans sa décision car elle ne voulait pas le perdre des yeux.

-Rassurez-vous, je ne cherche pas non plus à me battre avec vous.
Je suis le Chevalier Elena d'Emeraude. Et, j'ai beau être normalement en repos, il est de mon devoir de faire attention à tout ce qui pourrait me paraître suspect. Aussi, je vais vous demander de bien vouloir m'accompagner. Je vais vous conduire jusqu'au roi.

Sachant qu'elle devait agir avec prudence, Elena alerta tous ses compagnons et informa ainsi ses frères et sœurs d'armes pour qu'ils préparent une garde approchée de leur souverain.

-Voudriez également demander à votre dragonne de descendre près de nous ? Il s'agit là de sa propre sécurité car d'autres dragonniers auront sans nul doute ressenti votre présence et il est préférable qu'ils voient que vous avez déjà été repéré.

Je dois aussi ramener le chevreuil au village. Je n'ai pas le choix, je laisserais Hathir s'en charger.

Elena savait qu'elle pouvait avoir confiance en son cheval. Il comprendrait ses instructions et connaissait parfaitement le chemin jusqu'au village de Marna et sa maison. Elle n'aurait qu'à charger la bête sur son dos.
De toutes façons, elle sentait qu'il serait préférable qu'ils se rendent au château à pied, même s'ils en avaient pour plusieurs heures. Il était hors de question qu'elle le laisse remonter sur son dragon.

Sanada comprit mieux la réaction de la jeune fille en apprenant qu'elle était l'un des Chevaliers d'émeraude. Il connaissait leur réputation de "serviteurs de l'ordre et défenseurs de la justice". Il eut un sourire narquois en même temps qu'une pensée lui venait.

Tu parles, serviteurs de l'ordre.... Boire, fêter, nettoyer les bottes du roi et des autres seigneurs.... Si c'est ça qui défend la justice...

Il ne fit pas la remarque à haute voix, préférant ne pas s'attirer directement les foudres des Chevaliers. Il répondit calmement à ce que la femme lui disait.

-Aller jusqu'au roi est ce que je désire le plus. Quand à ma dragonne..... Si tel est votre souhait, elle descendra. Bien que je ne pense pas que quelques flèches lui feraient grand mal.

Il ordonna à sa Dragonne de descendre. Celle-ci se posa tout près d'eux. Elle était vraiment impressionnante, même si elle n'était pas très grande. Elle devait mesurer deux fois la taille de Sanada quand elle levait la tête et tendait son cou.
Elle grogna sur la jeune Chevalier avant même que Sanada ait put lui ordonner de ne rien tenter. Il lui ordonna à haute voix cette fois-ci de cesser son acte immédiatement.

-Jehran ! Cesse immédiatement de menacer cette jeune fille ! Elle va nous conduire au roi, aussi j'aimerais qu'à l'avenir tu te montres moins agressive avec les personnes que nous ne connaissons pas. Bien. A partir de maintenant, tu vas nous suivre à pied.

Il ajouta en pensée dans sa tête afin que sa dragonne puisse l'entendre.

**Je suis désolé, mais je préfère leur dire tout comme ils veulent l'entendre. Pour le moment du moins...**

Sanada attendit que la jeune fille fut prête pour partir.

La jeune fille conserva les sourcils fronçaient et tâcha de ne pas lui montrer son émerveillement. Le dragon était impressionnant, et elle remarqua avec surprise que celui-ci avait les yeux de la même couleur que son compagnon.
Loup par contre s'était rangé aux côtés du jeune Chevalier et elle entendait un grognement sourd qui signifiait qu'il ne leur faisait pas plus confiance et qu'il était hors de question que cette grosse bête volante menace sa sœur de meute.

-Je crois qu'il est préférable qu'elle reste dans les airs. Les bois sont touffus et elle ne pourrait passer sans casser de nombreux arbres et branches, et effrayer le peuple de la forêt.
Suivez-moi à présent.

La chasseresse se glissa dans l'épaisseur des bois avec une grâce et une aisance impressionnantes. Ces muscles tendus, elle faisait penser à quelque félin prédateur et semblait parfaitement connaître ses bois. En fait, elle se servait de ses propres dons intuitifs mais sonder aussi toute la forêt car cette étrange venue pouvait très bien cacher un piège.

Ils arrivèrent enfin à l'orée de la forêt, puis en sortirent pour se retrouver face à une plaine immense.
Elena émit un long sifflement qui sembla faire ses échos partout autour d'eux. Puis un grand cheval bai arriva dans leur direction en galopant. La robe luisante et sa crinière noire flottant au vent, il semblait aussi heureux et libre qu'un cheval sauvage.

Soudain, à quelques mètres, il pilla en poussant un hennissement de mécontentement. Le dragon qui se trouvait au-dessus d'eux l'effrayait. Elena alla donc dans sa direction, lui parla doucement dans l'oreille pour qu'il se calme, flatta son encolure et déposa le corps inerte du chevreuil sur son dos. Là, elle sortit une corde de son sac en toile et l'attacha adroitement de manière à ce qu'il ne tombe pas mais qu'il n'entrave pas non plus la liberté de mouvement de son cheval. Après avoir poussé quelques petits hennissements pour tenter de le réconforter, elle lui indiqua la tâche dont elle le chargeait et lui demanda de retourner ensuite à l'écurie du château sans essayer de la retrouver dans la campagne.

-Tu l'auras bien mérité, lui dit Elena en pensant à l'écuelle et à l'avoine qui l'attendraient sûrement lorsqu'il rentrerait de la mission dont elle l'avait chargé.

Elle lui flatta une dernière fois l'encolure, puis l'étalon redescendit la plaine en galopant. La jeune fille se tourna ensuite vers le dragonnier et son dragon Bien qu'elle ne les ait plus eu sous les yeux, ses autres sens n'avaient pas arrêté de sonder le moindre de leurs mouvements.

-Il vaut mieux que nous ne perdions pas de temps. Le Château d'Emeraude est à plusieurs heures de marches.


~> Rp à suivre dans Les Plaines

Le jour n'avait pas encore eut le loisir d'éclater ses rayons que déjà Arnasselle avait ouvert ses deux yeux perçants. Elle avait passé la nuit sous un arbre aux allures quelque peu étrange, qui hébergeait de nombreux couples d'hirondelles en ses innombrables branches. C'est eux qui eurent le culot de d'éveiller Arnasselle, en répandant leur chant à ses oreilles. Comme chaque matin, elle se levait et en agitant ses bras elle les effrayait. Et comme chaque matin, ils s'en allaient. Cependant, la routine n'avait jamais agacé l'ermite, une fois partis, les oiseaux se taisaient, et le nirvanesque silence regagnait son autorité. Elle s'asseyait alors et observait ce qu'elle appelait ses semblables, ces insectes minuscules qui entrent et sortent du creux des arbres. Elle venait souvent au secours des fourmis surchargés de leurs trouvailles en transportant ces dernières jusqu'à la Reine. Elle aidait les abeilles à extirper leur nectar dans le sucré des fleurs et en bondissant sur ses jambes cadavériques, imitait les sauterelles. Aveuglée par sa puérilité, elle ne voyait pas qu'elle leur causait la peur. Cet être géant et nu au corps privé de viande, aux bras mesquins et aux côtes criantes, inspirait, en fait, chez les bestioles une sulfureuse épouvante. Si par malheur elle l'apprenait, elle n'hésiterait pas à toutes les tuer. Elle, qui les considérait comme sa famille, eux, qui n'eurent même pas songé à l'intégrer à leur communauté.

- T'inquiète pas petite chrysalide, je veille sur toi. Dans quelques jours tu seras papillon !

Cela devait faire au moins trois semaines qu'Arnasselle guettait les potentiels agresseurs de la chrysalide. Elle ne dormait presque plus. Elle croyait que les oiseaux faisaient de même, qu'ils attendaient qu'Arnasselle s'endorme pour enfin dévorer le futur papillon. Sa passion pour les insectes la poussait à les protéger. Elle n'y gagnait rien bien entendu, ne serait-ce que l'espoir de pouvoir un jour se lier d'une réelle amitié avec l'un d'entre eux. En ce qui concerne le futur papillon, il ne risquerait pas de lui trouver une quelconque attirance amicale. La seule voix d'Arnasselle lui suffisait à ressentir de puissants frissons. Il aurait préféré vivre l'angoisse que lui promettait la nature et ses chasseurs sans la présence d'Arnasselle que de la supporter encore. Mais elle ne comptait pas s'en aller, pas avant qu'il prenne son envol.

Soudain un bruit aigu se fît entendre. Arnasselle n'eut pas le temps de cligner des yeux que la chrysalide avait disparu. Au loin, un oiseau aux plumes bleu la tenait en son bec. Trop tard, il s'en allait, comme le lâche qu'il était.

Fais attention à tes mômes, stupide volaille...

Elle en avait presque oublié sa protégée, la chrysalide. Sa mort ne l'attristait pas, mais elle avait suscité en Arnaselle une rage sans précédent. Une revanche s'annonçait. C'est un nid qu'il lui fallait, un nid quelconque, du moment qu'il s'y trouvait des œufs, ou bien même des jeunes volatiles ne sachant pas encore volé. Alors, elle s'efforçait de grimper aux arbres, et y scrutait chaque branches afin d'y trouver de quoi satisfaire sa vengeance.

Sanada fut étonné quand la jeune fille mauve descendit de l'arbre. Il ne s'attendait pas à une telle présence en cette forêt. Une humaine-insecte, il en avait déjà vu, mais en voir une en ce lieu était chose étonnante.
Quand elle parla, il lui fallut un certain temps pour décoder ce qu'elle disait. Il finit par répondre.

-VOTRE forêt? Il n'y a marqué votre nom nul part. Malgré tout, je vais ranger mon arme. Il est vrai que vous ne m'avez pas encore attaqué, et j'en oublie les formules de politesse.

Il rengaina son épée, et s'inclina légèrement devant la jeune hybride. Il lui sembla bizarre qu'il doive s'incliner ainsi, alors qu'elle n'était même pas humaine. Mais après tout, l'était-il totalement lui aussi?

-Je m'appelle Sanada. Et vous, quel est votre nom?

Il supposa que n'importe quel humain, en présence d'une créature aussi peu humaine se serait enfui. Mais pas lui. Il n'avait pas l'habitude de juger les personnes sur leur simple apparence physique. Et même si sa peau était mauve, ce n'était pas une raison pour s'enfuir.

Comme pour répondre à la courtoisie de son interlocuteur, Arnasselle lui adressa à son tour une maladroite révérence. Elle avait tout juste manqué de tomber la tête la première. Ce devait bien être la première fois qu'elle gratifiait quelqu'un de ce signe de respect.

- Je me prénomme Arnasselle... Maitresse de ces lieux comme j'ai pu le dire auparavant. Certes, mon nom n'est écrit nulle part, mais avez-vous trouvé en cette forêt un être susceptible de savoir écrire ? Les animaux, les arbres, les insectes ? Même moi je ne sais pas écrire ! Cessez de croire que toutes les créatures vivent comme vous, les hommes ! D'ailleurs, il me semble que vous n'avez pas répondu à ma question : que faites-vous là ? N'avez-vous donc pas songé aux dégâts que pourrait causer ce... ce... ce monstre !, d'un air menacent, elle montra du doigt le dragon, Combien d'insectes a-t-il tué en marchant sur cette herbe ? Combien de millier ? Ah ! Les humains ! Tous aussi égocentriques... Vous êtes comme... comme les oiseaux !

Les oiseaux ! Arnasselle avait oublié qu'elle tenait un nid dans ses mains. Elle ne tuerait pas ses habitants maintenant, d'ailleurs elle ne savait pas vraiment quoi en faire. Les manger, ou bien tout simplement les écraser ? Elle se dirigeât alors vers le creux de l'arbre où elle les avait trouvés et les y déposa négligemment.

- Je m'occuperais de vous plus tard...

Elle s'assit devant le creux comme pour le cacher au nouvel arrivant, et le regardait fixement en attendant des réponses à ses questions.

Sanada fut surpris de voir a quel point la jeune hybride s'énervait contre lui. Il répondit néanmoins avec respect.

-Ce que je fais là.... Rien de bien intéressant... Mais... On ne peut pas s'empêcher de marcher pour ne pas tuer des insectes... C'est la loi de la nature, jeune fille, vous-même vous avez déjà du tuer plusieurs insectes. Quand à ma dragonne, ce n'est pas "un monstre", c'est juste... Ma dragonne.

Il attendit qu'elle réponde. Malgré son agressivité, Sanada faisait tout pour ne pas s'énèrver. Cette créature ne devait pas vraiment avoir l'habitude de rencontrer des humains, c'était évident, elle ne savait donc pas comment se comporter en leur présence. C'est pourquoi il lui pardonnait, la plupart des humains avaient du la rejeter en voyant son physique qui n'était pas humain.

-Euh, excusez moi d'être entré dans votre forêt.

Il avait éxagéré le "votre", cherchant à tester jusqu'ou allait son énervement. Avec Jerhan à ses côtés, il ne risquait pas grand chose, du moins pas d'une créature comme celle-ci.