Elena ne mit guère longtemps à trouver l'entrée principale du Palais de Glace. Les enseignements d'Élund et du Magicien de Cristal n'auraient pas été vain. Elle sentait que ses pouvoirs allaient croissants au fil du temps, comme si elle ne faisait pas qu'apprendre et étendre ses pouvoirs, comme si ses capacités étaient en réalité bien plus grandes mais qu'elle n'en mesurait pas l'étendue. Le plus difficile lorsqu'elle avait été enfant, et encore aujourd'hui, avait été de maîtriser le flot de pouvoirs qui semblait bouillonner en elle. Elle savait que ses impressionnantes capacités magiques et physiques comme son physique et ces autres choses qui la rendaient différente des autres hommes, comme le fait qu'elle ne puisse dormir, était sans aucun doute liées au fait qu'elle n'en était pas humaine. Peut-être était-ce pour cette raison que les yeux fermés, même avec une ouïe mise à mal par l'effroyable bruit de la tempête, elle "voyait" mieux qu'en plein jour, sans faire appel au sondage magique.
L'entrée était une vaste arche donnant sur une cour. Elena repéra presque tout de suite les enchantements, pourtant dissimulés, qui la protégeaient. Aussi ne fut-elle pas surprise lorsqu'un lourd mur de glace s'abattit devant eux.
Et si je le déplaçais moi-même… Quel mal y aurait-il à les bousculer un peu… Ils doivent s'ennuyer, cachés dans ce royaume stérile et presque inaccessible au reste du monde… Non, la plaisanterie ne paraît guère appropriée... se dit-elle avec un amusement espiègle.
Des gardes accoururent, armes au poing, visiblement surpris de l'arrivée d'un visiteur.
-A qui avons-nous l'honneur ?
-Je suis le Chevalier Elena d'Emeraude, répondit la jeune femme, envoyée du Roi Emeraude Ier lui-même pour la transmission d'une missive de la plus haute importance auprès de la Reine des Neiges.
Les gardes la laissèrent entrer. Ils ne purent s'empêcher de pousser une exclamation de surprise en voyant la simple vêture de la jeune femme. Celle-ci ne portait qu'une tunique et une pèlerine de voyage. Ni chaude fourrure, ni mitaines, ni aucun vêtement chaud ne la couvrait. Cela n'aurait pas été surprenant si elle s'était baladée en été de cette façon. Aucun humain n'aurait pu survivre à un tel froid sans être couvert, même pas els habitants du Royaume des Neiges. Le chef de la garde se montra ainsi très méfiant lorsqu'il l'accueillit dans le hall.
-Reyan, chef de la Garde de sa Majesté la Reine Melessë. Pardonnez-moi de m'interroger de cette façon Chevalier, mais vous me semblez bien peu couverte par un tel froid polaire. Même si le plus vigoureux de nos hommes sortait ainsi dans ce froid polaire, il ne tiendrait pas plus de quelques minutes avant que son corps ne gèle. Et quelle étrange compagnie que celle d'un animal sauvage, un loup de plus, si mes yeux ne me trompent pas… De plus, nous n'avions pas entendu dire que les Chevaliers d'Emeraude comptaient parmi eux des femmes, sans vouloir vous offenser. Etes-vous bien celle que vous prétendez ?...
La méfiance de la garde était parfaitement légitime, et Elena aurait du y penser avant. Mais s'encombrer d'oripeaux superflus pour son voyage aurait été plutôt inutile.
-Je suis bien celle que je prétends en effet, et je n'aurais nulle raison de vous mentir. Les Chevaliers d'Emeraude comptent en effet des femmes parmi eux, et aucune distinction de sexe n'est faite, même si ces dernières sont encore malheureusement en large minorité.
Loup s'avança pour coller son flanc contre les jambes de sa soeur de meute, fixant les hommes de son regard d'ambre et affichant un comportement résolumment protecteur.
-Cet animal comme vous dites, est bien un loup. Mais il est aussi comme mon frère, alors je vous prie de le traiter avec considération ; il ne vous fera aucun mal, du moins pas si vous ne vous montrez pas agressifs.
Les gardes frissonnèrent au son de cette voix si magnifique, et leurs doutes semblèrent s'être soudain envolés. Elena enleva sa capuche et découvrit ainsi son visage.
-Quant au fait que ni la morsure du froid ni la chaleur du soleil ne soient un danger pour moi, ni même une souffrance, je ne saurais vous l'expliquer autrement qu'en vous disant que je suis… différente.
Les hommes stupéfiés et fascinés par la beauté et la perfection du visage de la jeune femme, ne remarquèrent pas sur l'instant les oreilles effilées de celle-ci. Mais il n'y avait pour eux aucun doute désormais ; l'être éthéré qui se trouvait devant eux ne pouvait pas être humain. Ils s'en étaient doutés plus tôt, de par sa voix, sa démarche et son étonnante résistance au froid, mais ils n'auraient sans doute jamais imaginé ce qu'ils avaient devant les yeux.
-Et pour que vous puissiez vous rassurer avant que vous ne me preniez pour une ensorceleuse ou je ne sais quel démon, j'ai une chose qui pourrait vous attester de mon honnêteté.
Elena leur tendit la missive cachetée par le roi lui-même de son sceau personnel.
-Je dois la remettre aux mains de la Reine, et ne peut le transmettre à nul autre. Pouvez-vous l'informer de ma présence ? Une fois le message transmis, je repartirais. Mais si le message nécessite un retour ou une réponse, je me mets à la disposition de la Reine pour le faire parvenir au Roi d'Emeraude.
-Pardonnez-nous une telle méfiance Chevalier…
-Mais il n'y a rien à pardonner, c'était tout à votre honneur. Vous avez agi selon votre devoir, et moi selon le mien. Quel garde serait celui qui n'aurait pas été intrigué sur ces questions ?...
Le chef de la garde hocha la tête, visiblement convaincu mais pas encore tout à fait à son aise.
-Suivez-moi, la Reine s'est absentée un moment mais devrait rentrer avant ce soir. Nous allons vous occuper de votre cheval et vous préparer une chambre dans laquelle vous aurez tout le confort pour vous reposer de votre voyage.
Le dénommé Reyan fit parvenir quelques ordres pour la préparation de la chambre en question, et un serviteur prit les rènes d'Hathir.
-Prenez-en soin, c'est un bon cheval.
Le Chef de la Garde Royale fit ensuite asseoir le Chevalier dans un large fauteuil qui se trouvait dans le hall, près d'une cheminée et s'assit en face d'elle. Il la questionna sur son voyage et elle lui répondit brèvement, ne cherchant pas à s'épancher, comme à son habitude.